Expériment de pauvreté : Vivre un mois à Ma Maison

Du solide ! Voilà le mot qui résume le mieux mes impressions, en découvrant mon lieu d’accueil pour l’expériment de pauvreté. Ma Maison de Valenciennes, maison des Petites Sœurs des Pauvres, semble être plantée là pour l’éternité. Les constructeurs nordiques devaient être sûrs de leur art lorsqu’ils élevèrent, voici 152 ans, la vénérable bâtisse, avec cette brique d’un rouge si foncé, que l’argile, en ce Nord carbonifère, semble teinté de houille. Ce fut un étonnement de voir qu’à cette date (1860), où Jeanne Jugan vivait encore, quoique dans le silence et l’oubli, d’aussi grandes maisons aient pu déjà être bâties. Je trouvai donc, en entrant, une bonne douzaine de Petites Sœurs, (dont une, très diminuée par l’âge), 86 résidents et résidentes, ainsi qu’un personnel dévoué et énergique. Je découvris également un prêtre qui, ayant quitté depuis peu son ministère paroissial dans le diocèse de Cambrai, vint à Ma Maison pour y accomplir une tâche d’aumônier plus adaptée à l’âge qu’il atteignait. J’eus le privilège de pouvoir dîner chaque soir en sa compagnie. Il me témoigna lui-même d’un caractère particulier de la maison que j’eus à peine osé prononcer de moi-même : “Il règne ici comme un parfum du Royaume”. Toute mystérieuse que paraisse l’expression, j’en partage pleinement la formulation. De l’accueil qui me fut donné par Mère Lucy, à l’attention de tout instant portée par chacun aux résidents, en passant par les relations entre les personnes, voilà un lieu où la douceur du Christ semble pétrir depuis longtemps les cœurs. La spiritualité de la fondatrice, sainte Jeanne Jugan, y est certainement pour quelque chose, et nous pouvons lire, dans le couloir du bas, quelques-unes des fortes paroles qu’elle adressait à ses Filles. A moi, on ne demanda en somme que de biens petits services. Mais j’appris à donner ce qu’il y a de plus précieux : l’amour dû au plus faible, et spécialement dans les petites choses. Et donner cela, c’est déjà recevoir des grâces venues du Ciel.

Clément de HILLERIN